Le carnet de santé numérique des Français doit rester un service public !

La plateforme de prise de rendez-vous Doctolib vient d’annoncer étendre son service pour permettre aux “patients […] de rassembler toutes leurs informations de santé, leurs antécédents, leurs traitements, leurs allergies, leur carnet de vaccination… […] pour les partager avec leurs soignants”. Cette nouvelle évolution crée au moins de la confusion, au pire de la concurrence avec Mon espace santé.

Les acteurs du monde de la santé (associations de patients, professionnels de santé et leurs représentants, établissements, DG de CHU, etc.) s’indigne contre le risque de valorisation de nos données les plus sensibles et s’oppose à la privatisation du carnet de santé des Français, nouvelle facette du risque de financiarisation de notre système de santé.

Dans le monde des rendez-vous médicaux en ligne, Doctolib est devenu un acteur incontournable en France. L’entreprise a développé un service connu du plus grand nombre et utile au quotidien pour les patients comme pour les soignants.

Au regard de son envergure nationale, en choisissant de centraliser l’ensemble des les données des citoyens français et de faire de la prévention, Doctolib se positionne comme un carnet de santé privé. Cela pose plusieurs questions : comment sont gérées les données de santé ? Qui y a accès ? Pour quelle finalité ? Pour combien de temps ? Et dans le cas de Doctolib : qui paye ?

Les réponses à ces questions touchent aux piliers éthiques de notre système de santé et ne peuvent être définies unilatéralement par un acteur privé. C’est pour cela, que la France s’est dotée d’un service public, universel, gratuit et souverain dont les règles sont fixées par la loi et définies avec la CNIL, les représentants des professionnels de santé et des patients.

Le déploiement d’un carnet de santé numérique en France a mis des années, créant beaucoup d’attentes et parfois des frustrations. Mais aujourd’hui les résultats sont là, grâce à l’ensemble des acteurs de l’écosystème notamment les éditeurs de logiciels qui équipent les professionnels de santé, cela commence à marcher. Plus de 20% de la population a activé son compte Mon espace santé, plus de la moitié de documents de santé produits en France y sont envoyés tous les jours et plus de 30 millions de documents ont été consultés par des soignants.

En créant un circuit parallèle de partage de données de santé, à large échelle, Doctolib créé au mieux de la confusion, au pire de la concurrence avec un service public qui protège les données de santé des Français et qui marche enfin !

Cela représente un risque majeur pour la santé des Français. Si leurs données de santé ne sont accessibles qu’aux clients de Doctolib, cela créé une perte de chance pour tous les autres, notamment dans des contextes d’urgence où les professionnels en auraient besoin pour assurer une prise en charge. Ainsi, en prétendant améliorer l’accès au soin, cette voie parallèle d’accès aux données des patients créé de fait une entrave à la disponibilité d’informations potentiellement décisives, au moment clé pour le soin.

Les entreprises numériques qui proposent un service gratuit finissent toujours par valoriser économiquement les données qu’elles ont amassées. Alors qu’il est de notoriété publique que Doctolib n’est pas rentable aujourd’hui, qui peut dire ce qui sera fait de ces données et pour quel modèle économique ? L’entrée massive des GAFAM dans le secteur de la santé aux États-Unis doivent nous alerter sur les risques de laisser des plateformes privées investir des fonctions essentielles à notre société. Les choix unilatéraux, parfois opaques, d’acteurs privés peuvent entraîner des biais dans la gestion des données, limiter la liberté des professionnels de santé et aggraver les inégalités d’accès à la santé.

Pour apporter les garanties de transparence, d’éthique et d’universalité nécessaires à la confiance de nos concitoyens, au respect du secret médical et à la sécurité des données de santé, nous, acteurs du monde de la santé, nous nous opposons à la privatisation du carnet de santé des Français.

Face à tant d’incertitude sur le modèle économique d’un acteur en situation de quasi- monopole, nous appelons les pouvoirs publics à accélérer le déploiement de Mon espace santé et à réguler les initiatives concurrentes.

En tant que citoyens et professionnels de santé, nous devons sommes collectivement responsables de nos données de santé.

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